Un arbre
J’interviewe aujourd’hui Renaud Dehareng, PDG de Curium Pharma en train de devenir Curium Group.
L’histoire de cette société est folle.
Renaud aussi est un peu fou, mais il me relit, je vais m’attacher à ce qu’il ait envie de me rappeler un jour. Renaud n’a évidemment pas perdu son esprit, bien au contraire. Il a ce trait des sportifs de Formule 1 lancés à toute vitesse avant le prochain virage. J’avais été surpris un jour par les mots de Schumacher dans une interview. « Tout le monde sait aller en ligne droite à 300km/h. Rares sont ceux qui savent prendre le premier virage. » Ce virage dans lequel se trouve Renaud, c’est la levée de fonds de 6Md€ qu’il est sur le point de réussir. Ce genre d’exercice – et a fortiori de cette taille – n’est jamais gagné tant que l’on n’a pas franchi la ligne d’arrivée. Mais Renaud est suffisamment confiant pour en parler dans notre épisode du jour. Curium veut entrer par la grande porte dans le club restreint des Big Pharma de la planète. C’est de cela dont il est question aujourd’hui.
L’équipe de Curium que je connais un peu m’en voudrait de limiter mon message à ces fonds en train d’être levés auprès de tous ceux désireux de participer à l’aventure. Cet argent frais, à quoi servira-t-il ? A nous soigner. Curium a développé des technologies de détection de cancer à partir de molécules radioactives à durée de vie très courte. La levée de fonds servira à soigner à partir de molécules comparables, pas seulement à diagnostiquer la nature et l’étendue de la maladie. Surtout, elle servira à en faire bénéficier le plus grand nombre.
J’ai l’habitude de donner une couleur personnelle à ces lignes. Je ne le ferai pas aujourd’hui. Le cancer a emporté mon grand-père maternel et d’autres membres de la famille. Leur place est dans les cadres des murs de la maison et dans les conversations familiales, pas dans cette lettre. Quand je lève la tête depuis la salle-à-manger en train de chercher mes mots, mon grand-père me regarde. Il était la gentillesse incarnée, un trait d’un autre homme que j’évoque plus bas. Il me rappelle chaque jour qu’une vie n’a de sens que si elle est tournée vers autre que soi. Les autres, les patients, sont le sens de l’action de Curium.
La course au large
Etant moins d’humeur à vous parler de maladie et de soins que de bonheur, j’ai envie de vous faire découvrir un autre entrepreneur partageant quelques points communs avec Renaud : Warren Buffett.
Warren consacra une partie de son argent et de son temps à améliorer la santé de chacun d’entre nous mais il n’en fit pas son métier comme Renaud. Réussite professionnelle et servir la santé, voilà deux points communs à nos deux hommes. Je m’en voudrais de filer la comparaison. Warren est un vieux monsieur de 95 ans. Il n’ira pas courir les compétitions de voile de niveau mondial comme le fait Renaud. Ce dernier participe en ce moment au Globe 40 – la Grande Route, une course autour du monde en double avec escales. Il repartait pour un prochain départ le lendemain de notre entretien.
Oui, vous avez bien lu. Entre deux réunions à convaincre les plus grands fonds de la planète d’investir chez Curium, Renaud court les océans avec son co-équipier Jonas Gerckens. Pas facile de l’attraper.
Warren, lui, vient de tirer sa révérence après une carrière de 64 ans. Parti de zéro, il est devenu la 11e fortune de la planète.
Notez qu’il part après 64 années de travail, et non pas à 64 ans. A l’âge où nous partons à la retraite, sa fortune s’élevait à environ 10Md$. Elle est estimée aujourd’hui à environ 150Md$. Pour ceux qui doutent encore que travailler plus longtemps aide à créer de la richesse, Warren Buffett est un peu la preuve par l’exemple. Il espère bien que les futurs PDG de son Groupe imiteront sa longévité. With a little luck, Berkshire should require only five or six CEOs over the next century. It should particularly avoid those whose goal is to retire at 65, to become look at-me rich or to initiate a dynasty. Sans commentaires.
Il laisse à ses trois enfants « assez pour qu’ils puissent faire ce qu’ils veulent mais pas assez pour qu’ils ne fassent rien ». Le reste ira à des fondations dont la Bill & Melinda Gates Foundation que l’on ne présente plus. Je vous avais déjà parlé de cette fondation dans ma rencontre avec Karine Rossignol. Elle nous présentait Smart Immune.
Un arbre
Devenir riche ne fait pas une vie. Devenir pauvre pas davantage. Mais lire la lettre d’adieu professionnel d’un monsieur qui a accompagné des milliers d’entreprises tout au long de sa vie, de la plus petite à la plus grande (Apple) mérite que l’on s’y arrête. La lettre complète se trouve ici. « I’m going quiet » dit-il dans les deux premières lignes. Savoir que l’on va se taire vous oblige à peser vos mots.
Je suis assez heureux de vous informer que j’ai trouvé plus bavard que moi. N’allez plus m’opposer que mes lettres dominicales sont trop longues ! Elles tiennent généralement en deux à trois pages. Celle de Warren en fait huit. Pire, elle est en anglais. Camilla Campbell qui dirige la communication de Curium préfère Shakespeare à Molière. Elle me demandera peut-être de traduire ces lignes. Mais je résisterai à son sourire anglais et espiègle. Pardon pour le pléonasme.
I’m going quiet dit-il, mais deux lignes plus tard il se contredit et nous annonce qu’il continuera de prendre la parole chaque Noël. Moi qui prends un malin plaisir parfois à dire tout et son contraire dans ces lignes, je vais commencer à croire que je ressemble à mon milliardaire préféré. Avec les zéros en moins sur le compte en banque, cela va sans dire.
La lettre démarre vraiment avec ces mots : As Thanksgiving approaches, I’m grateful and surprised by my luck in being alive at 95. Warren fait référence à la mort dont il échappa de peu à l’âge 8 ans. Il fut alors hospitalisé. La professeure demanda aux élèves de sa classe de lui écrire en marque de soutien. I probably threw away the letters from the boys but read and reread those from the girls; hospitalization had its rewards. Décidément, ce garçon me plaît bien.
Warren insiste beaucoup sur l’amitié et l’enracinement qu’il trouva à Omaha dans le Nebraska d’où il ne bougea presque pas. Visiter les duty-free des aéroports entre deux réunions, cela peut être utile quand on travaille. Trouver son arbre et s’y abriter pour y diriger ses affaires, c’est pas mal non plus. L’arbre de Renaud serait-il le mât de son monocoque ? Je ne le lui ai pas demandé.
The Golden Rule
Le mot luck apparaît 12 fois dans les adieux de Warren.
Thank you, Lady Luck. My sisters had equal intelligence and better personalities than I but faced a much different outlook. Lady Luck continued to drop by during much of my life, but she has better things to do than work with those in their 90s. Luck has its limits.
Comme il n’y a que quelques fous comme moi en France pour lire les adieux d’un Américain partant à la retraite un samedi à la nuit tombée, voici donc son dernier paragraphe auquel vous n’échapperez pas. Allez, un dernier petit effort.
I’m happy to say I feel better about the second half of my life than the first. My advice: Don’t beat yourself up over past mistakes – learn at least a little from them and move on. It is never too late to improve. Get the right heroes and copy them […]
Decide what you would like your obituary to say and live the life to deserve it.
Greatness does not come about through accumulating great amounts of money, great amounts of publicity or great power in government. When you help someone in any of thousands of ways, you help the world. Kindness is costless but also priceless. Whether you are religious or not, it’s hard to beat The Golden Rule as a guide to behavior.
I write this as one who has been thoughtless countless times and made many mistakes but also became very lucky in learning from some wonderful friends how to behave better (still a long way from perfect, however). Keep in mind that the cleaning lady is as much a human being as the Chairman.
I wish all who read this a very happy Thanksgiving. Yes, even the jerks; it’s never too late to change. Remember to thank America for maximizing your opportunities. But it is – inevitably – capricious and sometimes venal in distributing its rewards.
Choose your heroes very carefully and then emulate them. You will never be perfect, but you can always be better.
Passez aux Etats-Unis nous dit Renaud dans l’épisode du jour. Tout y est encore possible. Je vous en propose un avant-goût : lisez Warren Buffett.
Qui sait, peut-être vous portera-t-il chance.
Martin
PS : A force de le dire, nous l’avons fait. L’épisode de la semaine est en vidéo. Vous pouvez aller le voir là : Renaud Dehareng, PDG de Curium Group – Vaincre le cancer.
Un grand merci à Thibaut Thierry à qui nous devons la prise de son et le montage final.
Un grand merci à la société Megaphone Communication pour la production vidéo.
Cette vidéo, comme tous les épisodes du podcast, voit le jour grâce à Agnès Guillard. Je remercie le Ciel et elle de l’avoir à mes côtés.
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