Le vent me portera
Nous avons tous ri enfants sur ces bouées noires et ces barques gonflables de plastique jaune que nos parents avaient acheté histoire d’avoir la paix quelques heures en même temps qu’ils étaient heureux de nous entendre joyeux.
Plus tard, nous avons commencé à nous imaginer ces bateaux. Nous avons découvert Géricault, Jules Vernes, Hemingway et les autres. Et puis nous avons entendu parler de ces courses en solitaire, des transatlantiques, promesses de Brésil et d’idylles.
Brassens
Vint le jour où nous avons pris une embarcation pour traverser un lac, un fleuve ou un bras de mer pour rejoindre l’autre rive ou une petite île perdue.
Comme cette fois où nous avions traversé le Bosphore à Istanbul.
Comme cette autre fois où je m’étais rendu en hors-bord à la Guérite en face de Cannes. Nous avions bien rigolé. Dans cette journée de parenthèse entourée par nos amis, la famille et la mer, le temps s’était arrêté en photographie. C’était un peu m’as-tu vu, nous le savions tous, mais nous étions tout simplement heureux d’être ensemble. Et puis ce bateau avec deux moteurs aussi gros qu’inutiles sauf pour faire du bruit et attirer la curiosité des baigneurs, ce n’était pas moi. Raison de plus pour en profiter quelques instants et observer interrogatif ces femmes russes et sophistiquées qui agrémentaient le décor. Nous étions loin de Sète, mais Brassens avait dû jeter un œil sur mes voisines déguisées en ondines que leur gloss trahissait. La mer vous emmène parfois dans des lieux étranges.
Nous sommes déjà moins nombreux à avoir dormi sur un bateau. Il faut s’être rendu dans les Cyclades depuis Athènes ou en Corse depuis Marseille pour commencer à découvrir les joies du bateau la nuit. Même si c’est sur un navire haut comme un immeuble, cela a son charme. Si vous vous y prenez mal ou que votre budget est serré, vous ferez le voyage assis. Je le déconseille. Mais cet inconfort matériel est vite compensé. Le jour, l’horizon vous offre le spectable de la mer dans tous ses états. La nuit, c’est le ciel accompagné de la lune dépollué de la lumière des villes. Le bateau vous lie aussi aux étoiles.
Je suis moins rêveur que le Petite Prince de Saint Exupéry qui se demande « si les étoiles sont éclairées afin que chacun puisse un jour retrouver la sienne ». Mais je vous dois une confidence : j’aime regarder les étoiles. Vous aussi, j’en suis certain, c’est seulement que vous avez peut-être oublié. Alors faites un effort la prochaine fois que vous sortez la nuit : levez le nez.
Sophie Hunger
Et puis, bien sûr, sur un bateau, le vent ne vous quitte jamais. Il nous porte, chante Sophie Hunger dans une reprise que je ne me lasse jamais d’écouter. Il pousse les bateaux depuis toujours. Même les cargos aujourd’hui expérimentent de rajouter une voile ou deux à leurs moteurs, histoire d’être dans l’air du temps.
Enfin, je partage avec certains d’entre vous un privilège pas si commun : j’ai eu la chance de naviguer quelques fois sur un voilier. L’expérience de la mer a été racontée depuis que l’homme sait parler, je vous épargnerai la mienne qui au fond est assez simple en plus d’être minime, donc sans grand intérêt. Je ne suis pas marin, même pas d’eau douce. Le capitaine Haddock ne pourra pas me crier dessus. Je suis né à la ville, ai grandi avec elle. Je crains qu’elle ne m’emporte avec le vent dans un noir désir. J’ai aimé la campagne plus jeune, j’ai goûté le blanc de la neige et l’eau des torrents du Mont-Blanc. J’ai traversé quelques cols dans les Pyrénées, les Carpates roumaines et l’Atlas marocain. J’ai traîné mes guêtres ici et là. Mais la mer, je ne la connais pas. Tout au plus l’ai-je regardée quand elle m’a invité au voyage pour paraphraser Baudelaire. A Brest, elle était sauvage. A Arcachon, désirable mais pas toujours désirée. A Bonifacio, cristalline et souvent houleuse. A Venise, fragile. A Rough, noire d’encre. A Tulum et Ko Samui, me rappelant mes rêves bleus de gosse. A Maurice, fantasmée, puis rêvée et enfin découverte. A Rodrigues, enchanteresse. A Dakhla, belle à pleurer.
Elle est maintenant avec moi tous les jours.
Le Clezio
D’abord, sur ce fond d’écran que certains d’entre vous connaissent. Derrière moi, le sable, quelques palmiers même l’hiver. Et comme je lui tourne le dos à cette plage, je vous fais face en même temps que je regarde le plat bleu de l’horizon. Pardonnez-moi, elle me distrait de temps en temps. Vous seriez sur un bateau que ce serait à peu près pareil. Cela, c’est pour Teams. Sur Google Meet, je suis assis sur une terrasse, probablement en Grèce du côté de Paros, peut-être en Italie sur une île éolienne. Là, je vous donne à regarder le spectacle de la Méditerranée derrière moi. Cela ne rate presque jamais, vous me faites la remarque : « Sympa le fond d’écran ! ». J’ai beau vous expliquer que je suis à la mer, vous ne me croyez pas.
La mer ne m’a pris ni un lundi, ni un mardi, ni aucun autre jour de la semaine. Elle m’a pris, c’est tout. Là, comme cela, sans rien faire. Dieu crée la mer le deuxième jour de la Genèse. L’homme et la femme arrivent à partir du sième jour. Plutôt que de manger des pommes, ils auraient dû se construire un bateau et partir au loin. Un bateau aurait pu sauver l’humanité. Les serpents n’aiment pas les bateaux, ils ne s’y cachent jamais. En forme d’arche, il aura sauvé les animaux, c’est déjà pas mal.
Dans mon bureau entouré de quatre murs, je m’imagine dormir sur un pont, près d’elle, la mer. Je suis Alexis dans Le Chercheur d’Or se réveillant sur le bateau : «la tête appuyée sur mon bras, […] quand je me réveille, c’est l’aurore. La lumière est transparente, pareille à l’eau du lagon, couleur d’azur et de nacre, […] Je n’ai pas vu de matin aussi beau. La rumeur de la mer a augmenté, elle semble le bruit de la lumière du jour. »
Les tortues de mer
Le voilier qu’Alexis finit par apprendre à barrer n’est pas celui que vous découvrirez chez Catlante dont j’interviewe Hervé le CEO cette semaine. Vous ne barrerez rien du tout, il y a un capitaine pour cela. Vous n’êtes pas plus que moi Alexis tombant amoureux d’Ouma. Vous ne chercherez pas ce trésor qu’Alexis poursuit pendant tout le roman. Chez Catlante, vous n’apprendrez pas à chasser la langouste avec une lance d’un autre siècle.
Si j’ai voulu interviewer Hervé Bellaïche en même temps que l’un de ses clients Olivier, c’est pour tenter de vous faire vivre l’expérience d’un homme qui a emmené sa femme et ses enfants sur un catamaran pendant quelques jours. Moi, ces histoires me touchent. Elles font résonner le clapot contre la coque, elles sifflent le vent dans les aussières. Elles racontent une famille qui vit au ralenti, sans se soucier d’intendance, loin des agitations du monde mais au milieu des éléments et de la mer. Elles scintillent les nuits à la belle étoile. Elles chauffent le coeur d’une jeune fille dormant dans les bras de son père. Elles nous font deviner les regards entendus des parents, reposés, apaisés et heureux. Elles blondissent le sable de plages désertes. Elles observent ébahies les tortues de mer, les dauphins et les poissons de toutes tailles et de toutes les couleurs. Elles parlent d’un retour à la nature. La famille d’Olivier se souviendra toute sa vie de ces quelques jours passés ensemble.
Les catamarans de Catlante ne sont pas accessibles à toutes les bourses. A défaut de faire de vous un client, peut-être notre discussion vous donnera-t-elle envie de passer votre temps en vacances un peu plus près de la mer, en tous cas différemment.
Et puis je fais ici un pari : le marché de la croisière en voilier grandira en même temps qu’il se démocratisera. Je ne prends pas de grands risques en prenant une telle hypothèse. Plus de la moitié de la population mondiale vit à moins de 150km des côtes depuis 2010 et ce pourcentage augmente.
Un jour je la rejoindrai.
Un jour je m’installerai face à la mer.
Martin
Un édito signé Martin Videlaine
Je m’appelle Martin Videlaine. J’ai créé et dirige BlueBirds. Nous proposons les services de 6 000 indépendants à haute valeur ajoutée, consultants freelances, managers de transition et experts en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.
BlueBirds sponsorise Histoires d’Entreprises.
Recevez la newsletter Histoires Entreprises