Du rouge à lèvres
« Laisse-toi guider par le plaisir, ton plaisir de femme. Et n’oublie pas, il y a deux choses qui sont sans limites, la féminité et les moyens d’en abuser ».
Ce sont là les mots de Jeanne Moreau s’adressant à Nikita dans le film éponyme de Luc Besson. Et Nikita de saisir le tube de rouge à lèvres que sa mentor venait de poser sur la coiffeuse et de commencer à l’utiliser. Dans cette scène, le spectateur est à la place du miroir. Il nous révèle, un peu, l’intimité de ces deux femmes qui se regardent par l’intermédiaire de la glace. L’extrait est plus bas dans cette lettre.
Avec ce tout premier geste, poser du rouge à lèvres, Nikita redevient femme. Il m’avait touché ce passage au point que je m’en souvienne encore. La voix, les regards de Jeanne Moreau y sont pour beaucoup. Le rouge à lèvres aussi.
Je ne me suis jamais personnellement intéressé à cet objet pourtant symbole du beau sexe. J’ai eu bien tort, une fois n’est pas coutume. Oh, j’avais bien vu mes sœurs et ma mère arborer fièrement leur dernier maquillage avant de sortir quand je vivais sous le toit de mes parents, mais pour dire les choses simplement, le maquillage n’avait jamais vraiment fait partie des discussions le soir autour de la soupe.
Puis j’ai regardé d’un air un peu distant, moitié intéressé, moitié faussement désintéressé, mon épouse se maquiller. Mais avec elle non plus, je n’ai jamais vraiment prêté attention à ce qu’elle met sur ses lèvres pour attirer mon regard, et ce faisant, celui des autres hommes. Ce rouge à lèvres et le reste de ses ustensiles de maquillage faisaient et font encore partie d’une forme de cercle d’intimité que je me garde de traverser. A tort ou à raison, mais c’est ainsi.
Enfin, n’ayant jamais travaillé de près ou de loin dans la cosmétique hormis un court stage chez l’Oréal où le hasard m’avait fait un clin d’oeil en me plaçant à l’étage de sélection des futurs mannequins des Laboratoires Garnier, rien n’avait finalement contribué, par nature ou par expérience, à ce que je m’intéresse à la texture, au maintien ou encore à la couleur d’un petit bâton qui fait tourner une partie de notre planète en même temps qu’il tourne sur lui-même. Quelques chiffres qui illustrent mon propos. l’Oréal évaluait en 2021 le marché mondial de la beauté à 228Md€. Avec 15% de part de marché, le maquillage arrive en troisième de ce marché derrière le soin de la peau et le capillaire.
Cette petite musique où s’accordent féminité, beauté perçue ou universelle, maquillage et rouge à lèvres et qui résonne chez les femmes qui m’ont entouré jusqu’à l’âge adulte a changé avec mes filles devenues adolescentes.
Vint donc un jour où le premier rouge à lèvres de ma fille aînée fit son apparition dans la salle de bain. Très vite d’autres lui emboitèrent le pas jusqu’au jour où il me fut difficile de trouver ma brosse à dents coincée qu’elle était entre les pinceaux en tous genres, les crèmes et tout ce qui fait qu’une salle de bain occupée par une femme n’a pas grand-chose à voir avec celle occupée par un homme. Il était temps de déménager.
Mes filles sont encore jeunes mais ont déjà amassé un trésor aussi précieux pour elles qu’il m’est finalement étrange. Allez expliquer à votre adolescente qu’elle n’a pas besoin de ce bleu pour se peinturlurer les ongles. Les miennes s’exclameraient « Papa ! » tout en souriant avec bienveillance l’air de dire que je ne comprends pas tout. (Mais quand suis-je devenu daron?) Le père que j’essaie d’être ne s’empêchera pourtant pas de les aider à trouver cet équilibre subtil entre « se faire belle » et « en faire trop ». Vous le savez bien mieux que moi mesdames, parfois, ne rien faire du tout ou si peu suffit. Je comprends mieux aujourd’hui pourquoi et comment les concepts des boutiques comme MAC ou Sephora ont explosé. Il m’aura fallu presque 50 ans pour commencer à intégrer certains codes du maquillage. Mieux vaut tard que jamais, il fallait que je devinsse père pour cela.
Mes filles devinrent des femmes. (Enfin presque. Elle me relisent et elles savent qu’elles ont encore deux ou trois choses à faire et à être pour le devenir vraiment). Leur rouge à lèvres aida sur ce chemin.
J’avais donc vraiment hâte de rencontrer Elodie Carpentier me raconter la création du Rouge Français. Je m’apprêtais à découvrir un peu plus les secrets de fabrication du rouge à lèvres. Rêvons un peu, en comprenant la conception, la fabrication et la distribution de ces fameux tubes rouges, j’allais comprendre un peu plus les femmes, mes filles, et soyons fous, ma propre épouse.
Cela ne vous surprendra pas, ma découverte du Rouge Français ne m’a rien appris sur Vénus. Comment aurait-il pu en être autrement m’aurait dit John Gray? Mon épouse est restée et restera vraisemblablement mon meilleur mystère, mais j’ai tout de même pris une magnifique leçon.
J’ai beaucoup hésité à diffuser cette photo sur LinkedIn avec mes filles pour promouvoir l’épisode de cette semaine. Vous pouvez encore aller la voir. J’avais mille raisons de ne pas le faire. Mais une seule a suffi à me décider. Encourager les pères et les mères à transmettre à leurs filles ce qu’Elodie m’a appris : le maquillage n’est pas seulement affaire de beauté et de confiance en soi. Il est aussi affaire de santé.
Entendez ici l’amical conseil de la part d’un père qui souhaite comme tous les parents de la Terre le meilleur pour ses enfants. Faites comme moi après avoir écouté Elodie répondre à mes questions. Allez voir vos filles.
Martin
Un édito signé Martin Videlaine
Je m’appelle Martin Videlaine. J’ai créé et dirige BlueBirds. Nous proposons les services de 6 000 indépendants à haute valeur ajoutée, consultants freelances, managers de transition et experts en Europe, en Afrique et au Moyen-Orient.
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